Geoffroy WOLF est avocat à la cour d’appel de Grenoble, membre de l’Institut de Droit Pénal Fiscal et Financier. ( IDPF2)

En France, le juriste est encore parfois perçu comme l’empêcheur d’entreprendre en rond : contractualisation des engagements, difficile qualification juridique de technologies nouvelles, anticipation de difficultés putatives, responsabilité…. Le fiscaliste subit les mêmes critiques : formalisme complexe, insécurité dues aux règles et jurisprudences fluctuantes, risques de redressement fiscal. Sans parler des couts associés. Les sujets liés à la mobilité n’échappent pas à la règle.

Mais au fur et à mesure que se sont dessinés les grands axes des nouvelles politiques de mobilité, de l’évolution des techniques et des progrès technologiques, l’impérieuse nécessité de disposer de normes juridiques et fiscales et donc d’intégrer ces questions dans le développement des nouvelles mobilités, est devenue une évidence.

Les laboratoires de recherche et jeunes entreprises innovantes des débuts ont peu à peu, au gré des évolutions et des besoins de financement, ouvert la porte aux investisseurs institutionnels et aux groupes internationaux.

Et ces derniers ont besoin que leurs investissements s’insèrent dans des cadres définis, juridiquement et fiscalement balisés. Tous les aspects du Droit sont alors concernés : aucun ne veut assumer le risque que le produit dans lequel il investit soit ultérieurement interdit (droit de la consommation), chaque opérateur souhaite être protégé contre une concurrence déloyale (droit commercial et économique), souhaite définir les relations pérennes avec les créateurs de l’entreprise (droit des sociétés) ou encore garantir que les inventions soient protégées (droit de la propriété intellectuelle) et, puisqu’il s’agit de transport, que les indispensables infrastructures publiques puissent voir le jour (droit public, urbanisme).

D’empêcheur, le juriste devient alors indispensable au développement des nouvelles mobilités.

Et au centre de ces questions juridiques se trouve la fiscalité, dont chacun sait qu’elle est le principal outil des gouvernants pour conduire leur politique, le levier le plus efficace pour inciter ou modifier un com- portement. Vous voulez dissuader ? Créez une taxe. Vous voulez inciter ? Créez une niche fiscale. Et, là encore, les nouvelles mobilités n’échappent pas à la règle.

En effet, pour développer une mobilité décarbonée à l’usage, il faut des constructeurs et des infrastructures, mais aussi et surtout des acheteurs et des usagers. Et la fiscalité fait beaucoup pour inciter les français à modifier leurs pratiques : prime à la conversion majorée pour l’acquisition d’un véhicule électrique ou à hydrogène, bonus (et malus) écologique, aides à l’installation de borne de recharge (programme AVENIR, crédit d’impôt, TVA à taux ré- duit…), exonération de TVS pour les entre- prises, forfait mobilité, prime kilométrique vélo… auxquels il convient d’ajouter les mesures en faveur des entreprises et les aides directes que l’UE, l’Etat ou les collectivités locales leur accordent.

De là à considérer que sans les avantages fiscaux, point de salut pour les nouvelles mobilités ?

Nous ignorons si les récentes annonces gouvernementales préparant les esprits à des économies budgétaires impacteront ces mesures incitatives. Cela serait indubitablement une mauvaise nouvelle.

Et les nouvelles mobilités sont-elles suffisamment solides et matures pour se passer de ces perfusions ? Rien n’est moins sûr.