FRANCK CAZENAVE EST EXPERT EN MOBILITÉ ET COORDINATEUR DE L’OBSERVATOIRE DES ZONES À FAIBLES ÉMISSIONS (ZFE) & DES VÉHICULES ÉLECTRIQUES (VE). IL INTERROGE CES QUESTIONS NOTAMMENT POUR MOBIL’IS.
Qu’est-ce que l’Observatoire des ZFE ?
Franck Cazenave. « Il s’agit d’interroger les Français sur leur connaissance des Zones à faibles émissions (ZFE) dont le fonctionnement est basé sur le dispositif Crit’Air, et comment ils peuvent s’adapter. À date, 11 ZFE sont entrées en vigueur et il y en aura 42 au total. Le premier observatoire en 2022 interrogeait 1 680 personnes. Cette année, plus de 10 000 Français ont été consultés. »
Quel est le premier constat, en attendant la publication des chiffres le 5 juin prochain ?
« Il y a encore beaucoup de pédagogie à faire. En Isère, 55 % des sondés connaissent le Crit’Air de leur véhicule. Il en reste donc 45 % qui ne le connaissent pas, alors que la ZFE arrive et va interdire les véhicules Crit’Air 5 à partir du 1er juillet dans 13 communes de l’agglomération grenobloise. »
On va donc trop vite selon vous ?
« Au niveau réglementaire, le sujet, c’est la réduction des émissions de CO2 qui contribuent au réchauffement climatique et impactent la qualité de l’air. La France a été condamnée par l’Union européenne (UE) en la matière. Les ZFE sont là pour réduire le dioxyde d’azote et les particules fines, nocives pour la santé, même si on sait qu’il n’y a pas que les véhicules qui émettent des dioxydes et des particules. Et clairement, il faut absolument agir. Toutefois, l’observatoire démontre que la vitesse de déploiement des ZFE pose problème. Il faut agir, oui, avec plus de progressivité pour que les Français puissent s’adapter. »
Quel est le risque à vouloir aller trop vite ?
« Le risque, c’est l’explosion sociale ! De nombreux Français sont déjà touchés par l’inflation. Avec les ZFE, tous les véhicules Crit’Air 5, 4 et 3 seront interdits de circulation au 1er janvier 2025. Ils sont nombreux à méconnaître les règles. S’ils sont flashés à l’entrée d’une ZFE à cause de leur Crit’Air interdit, au bout d’une heure, ils peuvent être à nouveau verbalisés. Et cela tous les jours ! Si vous n’avez pas l’argent pour acheter une voiture autorisée, vous ne pourrez pas payer deux fois 68 € par jour. La sanction n’est pas la solution ! On risque de punir des Français qui n’ont déjà pas les moyens de changer de véhicule, c’est difficilement inacceptable. Il faut savoir que si on interdit les Crit’Air 3 en 2025, on exclut 8,5 millions de voitures. Elles appartiennent souvent à des actifs qui en ont besoin pour travailler, à de jeunes ménages avec des enfants en bas âge… Ça va trop vite pour eux. »
Quelle est l’alternative selon vous ?
« L’objectif consiste à éliminer les véhicules Crit’Air 4 et 5 qui polluent et émettent beaucoup de CO2. Il y en a 4,6 millions (chiffre ministère des Transports et de la Mobilité durable – soit environ 10 % du parc automobile). C’est là où il faut mettre le paquet si on veut réduire de manière significative la pollution dans les villes. Donc, d’une part, les pouvoirs publics pourraient instaurer une prime de mise à la casse d’une auto Crit’Air 4 ou 5, d’environ 5 000 €, pour l’achat d’un véhicule en neuf ou d’occasion au moins Crit’Air 2. D’autre part, il faudrait promouvoir d’autres solutions que la propriété individuelle : la location avec le “leasing social” à 100 € mensuel ou bien le covoiturage, qui bénéficie d’applications très efficaces pour la mise en relation des conducteurs et passagers. »